Unikidé

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Les Contes d'UniKingdom


Aeia (ou le Conte du Prince Endormi)

Il était une fois, dans un pays lointain, un jeune prince au cœur malade. Une abominable sorcière, que le prince avait refusé d'épouser, lui avait jeté un sort.

 

-Puisque tu me refuses ton cœur, le tien s'arrêtera de battre dans trois lunes, avait maudit la sorcière avant de disparaître.

 

A peine avait-elle prononcé ces mots qu'une douleur atroce serra la poitrine du Prince avec tant de violence qu'il perdit connaissance et fut allongé sur un lit de marbre où chacun pouvait aller le voir et prier pour son rétablissement.

 

Aussitôt, le roi et la reine firent venir au château tous les guérisseurs, les médecins et les magiciens du royaume. Chacun cherchait le moyen de lever la malédiction.

 

Le plus vieux des guérisseurs fut le premier à prendre la parole:

 

-Il faut retirer le cœur de la poitrine du prince, préconisa-t-il. Mais av...

 

Avant même qu'il puisse terminer sa phrase, les autres médecins, magiciens et guérisseurs crièrent au meurtre, au complot contre le royaume, à la folie et se mirent d'accord sur le fait qu'il fallait faire enfermer ce dément. Arracher le cœur de la poitrine du prince, c'était la mort assurée! Aussi, le roi ordonna-t-il qu'on le conduise à l'asile d'aliénés pour le restant de ces jours.

 

Dès lors, de peur de finir de la même façon, les propositions furent mûrement réfléchies avant d'être énoncées.

 

-Ce maléfice est un maléfice lunaire, osa un médecin très réputé en pesant chacun de ses mots, et le seul remède contre les maléfices lunaires réside dans une décoction de fleurs de lune. On ne les trouve pas dans nos contrées mais en un seul lieu sur la Terre, là où le soleil ne brille jamais, là où seule la Lune étincelle, de nuit comme de nuit. Le chemin sera semé de dangers incroyables, mais je sais où se trouve ce lieu!

 

Cette idée semblant tout à fait plausible, le roi dépêcha ses chevaliers les plus aventureux à la recherche des fleurs de lune.

 

Mais ils n'avaient que trois lunes pour mener cette expédition à bien, ce qui paraissait très risqué. Et si cela ne marchait pas? Il fallait concevoir tout ce qu'il était possible d'essayer.

 

-Ce maléfice a été prononcé par la sorcière, intervint un magicien très respecté en pesant chacun de ses mots, et elle seule possède le remède. Elle n'habite pas dans nos contrées mais en un seul lieu sur la Terre, là où le soleil ni ne se lève ni ne se couche jamais, là où sa noirceur empeste, de non-jour comme de non-nuit. Sa capture sera périlleuse, mais je sais où elle réside.

 

Cette idée semblant pleine de bon sens, le roi dépêcha ses guerriers les plus valeureux au combat à la recherche de cette affreuse sorcière.

 

Mais ils n'avaient que trois lunes pour mener ce projet à bien, ce qui paraissait bien trop optimiste. Et si ça ne marchait pas? Il fallait essayer tout ce qu'il était possible de concevoir.

 

-Ce maléfice est un maléfice d'amour, affirma un guérisseur très romantique en pesant chacun de ses mots. Et le seul remède est l'amour. Il faut que le prince soit embrassé par la jeune fille la plus belle et la plus pure du royaume pour contrer le sortilège. Elle ne se trouve pas dans nos contrées mais en ce seul lieu sur la Terre, là où de sa beauté et de sa pureté émane une chaleur solaire, de jour comme de nuit. Malgré tout, le chemin ne sera pas aisé, mais je sais où se trouve cette beauté pure.

 

Cette idée semblant absolument crédible, le roi dépêcha les messagers les plus poétiques pour trouver cette perle rare.

 

Mais il n'avait que trois lunes pour mener cette recherche à bien, ce qui paraissait très romanesque. Et si ça ne marchait pas? Il fallait essayer et concevoir tout ce qu'il était possible de concevoir ou d'essayer.

 

D'autres idées, donc, furent émises par la cohorte de médecins, magiciens et guérisseurs qui ne voulaient pas rester muets et sans idées face au roi, mais nous ne nous attacherons qu'à ces trois suggestions car vous verrez qu'elles ont chacune leur part de vérité, mais ne seront pas suffisantes malgré tout...

 

 

 

 

 

La veille de la première lune, le médecin très réputé revint avec les fleurs de lune, mais avec moins de chevaliers aventureux qu'au départ.

 

-La première épreuve fut l'attaque des ogres chauves des Terres Piégées, dit un chevalier.

-La deuxième épreuve fut l'attaque des elfes noirs des Terres Gelées, renchérit un autre chevalier.

-Et enfin, la troisième épreuve fut l'attaque des démons rouges des Terres de Flammes, conclut un troisième chevalier.

 

Les disparus furent pleurés, élevés au rang de héros et une statue fut érigée dans la cour du château pour honorer leur mémoire et leurs aventures.

 

-Mon grimoire me dit qu'après deux mois d'ébullition, les fleurs de lune donneront la décoction efficace, expliqua le médecin très réputé au roi et à la reine avant de se retirer dans son laboratoire.

 

-Nous n'avons plus qu'à attendre, se lamentèrent le roi et la reine.

 

 

 

La veille de la deuxième lune, le magicien très respecté revint avec la sorcière, mais avec moins de guerriers valeureux qu'au départ.

 

-Lors de notre première attaque, nous avons rendue la sorcière chauve pour qu'elle ne tisse plus de pièges avec ses cheveux, dit un guerrier.

-Lors de notre deuxième attaque, nous lui avons crevé ses yeux noirs pour qu'elle ne nous gèle plus du regard, renchérit un autre guerrier.

-Et enfin, lors de notre troisième attaque, nous lui avons coupé ses mains à la peau rouge pour qu'elle ne nous brûle plus en nous touchant, conclut un troisième guerrier.

 

Les disparus furent pleurés, élevés au rang de héros et une deuxième statue fut érigée dans la cour du château pour honorer leur mémoire et leur valeur.

 

-Les planètes me disent que dans un mois, à force de torture, la sorcière nous révélera le contre-sort, expliqua le magicien au roi et à la reine avant de se retirer dans le donjon.

 

-Nous n'avons plus qu'à attendre, se lamentèrent le roi et la reine.

 

La veille de la troisième lune, le guérisseur très romantique revint avec la jeune fille la plus belle et la plus pure du royaume, mais avec moins de messagers poétiques qu'au départ.

 

-Le premier s'est épris d'une demoiselle qui ne l'aimait pas parce qu'il était chauve, il en est mort de chagrin, dit un messager. Ah... les pièges de l'Amour...

-Le deuxième s'est épris d'une demoiselle qui avait déjà un prétendant, il en est mort le cœur gelé, renchérit un autre messager. Ah... la noirceur de l'Amour...

-Et enfin, le troisième tant aima et tant fut aimé en retour par une demoiselle aux lèvres rouges que cet amour les consuma tout entier. Ah... les flammes de l'Amour...

 

Les disparus furent pleurés, élevés au rang de héros et une troisième statue fut érigée dans la cour du château pour honorer leur mémoire et leurs amours.

 

Mais on ne pouvait plus attendre... la troisième lune se lèverait demain et le prince allait mourir si l'on ne faisait rien...

 

Mais permettez-moi, amis lecteurs, de suspendre le temps un instant, afin de faire connaissance avec la jeune fille si belle et si pure qui rayonne comme un soleil de jour comme de nuit.

 

Car faire bouillir pendant deux mois des fleurs de lune pour en faire une potion, ou torturer pendant un mois une sorcière chauve, aveugle et amputée des mains pour en obtenir un contre-sort, est soit trop aisé, soit trop abominable. Laissons donc nos esprits s'aérer en approchant la belle et pure Aeia dont le destin était à présent révélé.

 

 

 

 

 

 

 

Quand la jeune fille franchit le pont-levis qui menait au château, chacun s'attendait à voir un ange lumineux, une beauté incomparable flottant à quelques centimètres du sol, un être aussi étincelant que le diamant. Or il n'en fut rien. Certains la trouvait juste jolie, d'autres la trouvaient sans intérêt et d'autres encore la trouvaient parfaitement laide. Parmi la foule de badauds, commençait alors à s'élever une rumeur, «Supercherie! Mensonge!» entendait-on.

 

Avant que la rumeur n'enfle plus encore, le guérisseur très romantique se tourna vers la foule et parla d'une voix de stentor:

 

«Qui êtes-vous donc pour juger ainsi la jeune fille qui sauvera votre prince? Êtes-vous prince vous-mêmes pour proférer de telles critiques qui vous feront honte quand le prince sera sauvé? »

 

Aussitôt, les regards se baissèrent et la foule se tut.

 

Aeia, le seul nom dont ce conte se souvienne, n'était ni riche, ni issue d'une haute naissance, non, elle possédait simplement ce qu'aucune autre jeune fille du royaume n'avait.

 

Après avoir fait la révérence au roi et à la reine, Aeia fut conduite auprès du prince, inanimé sur son lit de marbre. Voir le prince, les yeux clos, respirant à peine ne fut pas ce qui l'émut le plus. Ce qui la toucha au plus profond de son cœur résidait au delà du regard. Une prémonition, un pressentiment, un présage... Dès lors, elle sut...

 

Le médecin très réputé s'avança à quelques pas du lit de marbre du prince tenant dans sa main la fiole contenant la potion de fleurs de lune, suivi par le magicien très respecté qui s'avança en poussant la cage dans laquelle avait été enfermée la sorcière torturée et, enfin, le guérisseur très romantique était déjà là avec la jeune fille belle et pure que l'on avait parée de dentelles.

 

Le médecin très réputé, puisqu'il avait parlé le premier, agit en premier. Il versa quelques gouttes de sa potion sur les lèvres du prince en disant: «Potion, fais ton effet!» Mais la potion n'en eut aucun. Le roi, la reine et le peuple perdirent un peu d'espoir...

 

Ensuite, le magicien très respecté, puisqu'il avait parlé en second, agit en second. Il piqua violemment la sorcière avec une fourche en disant: «Sorcière, révèle le contre-sort!» Mais la sorcière resta muette. Le roi, la reine et le peuple perdirent un peu plus d'espoir encore...

 

Enfin, le guérisseur très romantique, puisqu'il avait parlé après les deux premiers, agit en dernier. Il conduisit Aeia auprès du Prince en disant: «Âme belle et pure, sauve le prince d'un baiser!»

 

Chacun retenait son souffle mais... malgré le baiser le prince restait froid comme le lit de marbre sur lequel il reposait.

 

Une stupeur sans nom saisit le cœur de l'assistance. Le roi, la reine et le peuple perdirent tout espoir... Le prince allait mourir!...

 

C'est à cet instant que le plus vieux des guérisseurs, celui qui avait parlé le tout premier, qui avait été enfermé à l'asile, et que vous avez sûrement oublié depuis, apparut aux yeux de tous. Il possédait le don d'ubiquité, ce que tous ignoraient.

 

-Vous ne m'avez pas laissé le temps d'exposer ma stratégie jusqu'au bout et vous m'avez enfermé à l'asile sans savoir ce que j'allais dire ensuite. Mais par la volonté du destin, vous avez rassemblé tous les éléments nécessaires à la survie du prince. Sachez que pour qu'un cœur batte il faut une dose d'aventures pour l'éprouver...

 

La potion de fleurs de lune, à présent symbolisée, se mit à briller et à s'élever dans les airs.

 

-Pour qu'un cœur batte, continua le guérisseur, il faut des valeurs auxquelles s'accrocher...

 

La sorcière, à présent vaincue, se transforma en boule de lumière et s'éleva dans les airs.

 

-Mais pour qu'un cœur batte à jamais, conclut le guérisseur, il faut qu'un autre cœur se lie à lui.

 

C'est alors que, devant le roi, la reine et la foule, abasourdis, les vêtements du prince et de la jeune fille se fendirent au niveau de la poitrine, leurs poitrines se fendirent au niveau du cœur, et leurs cœurs, devenus lumineux, s'élevèrent dans les airs.

 

Chacun put voir alors la lumière de l'aventure, celle des valeurs et celle de leurs cœurs beaux et purs se fondre ensemble dans une lumière aveuglante, puis se diviser en deux lumières égales. Une lumière entra dans la poitrine du prince, une lumière entra dans la poitrine d' Aeia et les poitrines cicatrisèrent, les vêtements recouvrirent les poitrines et... le prince se réveilla enfin.

 

Le premier regard du prince se posa sur Aeia et au fond de son cœur, il sut qu'il ne trouverait jamais âme qui lui conviendrait mieux, faisant d'elle la plus belle et la plus pure des âmes et tomba aussi amoureux d'elle, qu'elle de lui.

 

Celle que certains trouvaient juste jolie, sans intérêt ou parfaitement laide comprirent alors que la princesse Aeia, quelque soit les traits de son visage ou de son corps était celle qui convenait au prince et que leur amour en faisait la plus belle et la plus pure des princesses.


15/06/2014
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